Die festliche Garderobe ist für das Paar eine Geste des Respekts. Monsieur Bourdier, Berater in der Luftfahrtbranche, hat ein feines Gespür: „Ach wissen Sie, die Sänger haben Jahre damit verbracht, ihre Rolle zu lernen. Und heute, nur für uns, nur für diese Aufführung, haben sie Stunden in der Maske verbracht. Die Sänger fühlen den Respekt, den ihnen das Publikum entgegenbringt, indem es auch Mühe und Sorgfalt auf seine Garderobe verwendet.“ Für Monsieur Bourdier, der übrigens keine Jeans besitzt, gibt es nichts Schöneres als ein Parkett voller Smokings und Abendkleider. „Außerdem ist es einfach angenehm, gut angezogen zu sein. In Bayreuth gehört das alles zusammen: die Magie des Ortes, das Ritual der Aufrufe, das Klirren der Schlüssel, die Dunkelheit im Saal, die besondere Akustik, all das trägt dazu bei, diese außergewöhnlichen Momente zu erzeugen.“ Madame und Monsieur bekennen sich offen zu ihrer Sucht. „Oper ist für uns eine Droge und wenn man auf Entzug ist, wird man nervös.“ So ist es zu erklären, dass sie den Ring des Nibelungen weltweit schon drei Dutzend Male gesehen haben, zum ersten Mal in Bayreuth den Jahrhundert- Ring von Patrice Chéreau und Pierre Boulez. Auf die Frage, wie er sich die Leidenschaft der Franzosen für das Werk Wagners erklärt, antwortet Monsieur Bourdier mit einem feinen Lächeln und einer Gegenfrage: „Karl der Große – war er Deutscher oder Franzose?“ Voilà! Wenn wir schon wahre Größe in Jahrtausenden bemessen, eine ketzerische Frage zum Schluss: Sollte sich Bayreuth für andere Komponisten öffnen? „Nein. Höchstens für Beethoven, für seine Neunte Symphonie, als Ouvertüre.“
That the couple is dressed to the nines is a matter of respect for them. Monsieur Bourdier, a consultant in the airline industry, is keenly sensitive to his surroundings: “You know, singers have spent years learning their rôles. Singers will feel the respect that the audience shows them, which includes the care they have bestowed on their dress.” There is nothing more lovely for Monsieur Bourdier, proud owner of not a single pair of jeans, than a whole auditorium full of tuxes and ball room gowns. “Aside, it’s just so pleasant to be dressed well. In Bayreuth that is all part of the atmosphere: The allure of the place. The ritual of the summoning fanfares, the jangle of the keys, the dimmed auditorium, the special acoustic – all that contributes to create this unique atmosphere.” Madame and Monsieur admit their addiction freely: “Opera is our drug, and when you are deprived of it, you get jittery.” That may help explain how they have seen three dozen performances of The Ring of the Nibelung worldwide; their first one in Bayreuth – the ‘Centennial Ring’ by Patrice Chéreau and Pierre Boulez. Asked whether he could explain his enthusiasm as a Frenchman for Wagner’s oeuvre, Monsieur Bourdier counters with a wispy smile and asks: “Charlemagne, Karl der Große – was he German or French?” Voilà. Seeing that we are measuring greatness in millennia, a final, heretical question: Should the festival incorporate other composers? “No! Except perhaps Beethoven’s Ninth Symphony, as an overture.”
Nathalie Vautier et Bernard Bourdier, de Paris, se sont mis sur leur trente-et-un pour la photo dans le parc du Festspielhaus, leur endroit préféré à tous deux à Bayreuth — hormis le Festspielhaus. « Le Parc c’est une respiration, son charme désuet laisse l’esprit libre. Ne plus penser à rien pour se préparer à la tempête wagnérienne. »
Conseil à un enfant
Tu vois mon enfant les chanteurs ont passé des années à apprendre leur rôle. Aujourd’hui, pour nous, ils ont passé des heures à se maquiller et à s’habiller pour une représentation très courte, éphémère — Le rideau tombé, il ne reste rien, sauf à recommencer. Alors chaque fois que tu iras à l’opéra, mets-toi sur ton trente-et-un. Les chanteurs donneront le meilleur d’eux-mêmes car ils sentiront instinctivement le respect et l’importance que tu accordes à leurs efforts. Et puis, c’est tellement agréable d’être bien habillé. Rien de plus beau qu’un parterre de smokings et de robes du soir. A Bayreuth plus qu’ailleurs, suit ce conseil, la solennité du lieu, le rituel des appels, le bruit des clefs, le noir de la salle, l’acoustique jamais égalée, tout concours à créer une atmosphère propice à des moments d’exception.
La passion et la démesure
« Dieu est mort » nous enseigna le prophète Zarathoustra, l’homme est un dieu, il est seul et il doit prendre son destin en main, se battre avec le réel, aimer, souffrir, conquérir, dire un grand OUI à la VIE. Il n’y a rien après la mort mais avant la mort, il y a la vie. Wagner le sait, c’est pourquoi ses héros consument leur vie sans retenue, bravant tous les interdits, jusqu’à l’explosion. La paix sera-t-elle retrouvée avec Parsifal… On en doute ! Une résignation ? Peut-être !
Des histoires d’aujourd’hui, de tous les jours
Les dix histoires que nous raconte Wagner sont très simples. Le monde des héros, des dieux, c’est le nôtre. Tous ses personnages, avec leurs passions, avec leurs excès, nous les côtoyons tous les jours. Des caricatures ! À peine. Le très riche James Stephen Fossett, défie la nature, ne trouve jamais de repos jusqu’à sa mort avant d’achever en solitaire un ultime tour du monde en ballon. Un homme politique se cherche dans la luxure jusqu’à l’écœurement, jusqu’à se perdre sans rédemption possible. Les dictateurs pullulent, ils veulent être aimés sans condition, sans explication pour eux-mêmes. Nous acceptons presque tous de nous plier aux règles du concours social pour gagner l’élue de notre cœur même si nous devinons que ça ne sera pas la fête de la Saint-Jean tous les jours. Et pourtant avec Tristan, à partir d’un regard, beaucoup sont prêts à tout pour vivre leur grand amour — conventions brisés, amitiés trahies. L’or, la finance gouvernent le monde, les intrigues, les concupiscences, les luttes pour le pouvoir écrasent les innocents. Les sectes fleurissent avec leurs espoirs de rédemption, leurs nouveaux messies et leurs illusions.
Le chant et l’expression
Pas de tricherie possible, pas de micros, pas de droit à l’erreur, le chant des instruments, les voix des chanteurs, l’inspiration du chef sont une création renouvelée à chaque représentation. Les vibrations montent… immobile, le spectateur est enveloppé, métamorphosé, il entre dans l’opéra. Certains soirs, le miracle se produit, l’empathie avec les chanteurs est telle qu’on vit avec eux le drame. On tremble, on espère, on respire avec eux. On ressent profondément la joie, l’espérance, le désespoir des personnages. La symbiose du corps et de l’esprit touche au paroxysme, les sens se relâchent, la plénitude de vie, l’ivresse nous envahissent, nous devenons fous comme Wagner l’avait prédit après avoir écrit Tristan et Isolde. Voilà pourquoi nous n’en n’avons jamais assez, voilà pourquoi on y revient encore et encore avec toujours plus de fébrilité. Et ce qui nous touche, c’est la justesse des comportements et des répliques. Psychologue inné, Wagner trouve toujours la note, l’accord, le tempo, les contrastes, la nuance, la variation du motif directeur (leitmotiv), pour intensifier, magnifier le verbe et aussi exprimer le non-dit, les pensées secrètes, les espérances, les joies, les déceptions et renoncements plus ou moins avoués.
Remise en scène
Wagner n’est pas un philosophe mais un penseur prolifique. Ses opéras n’expriment pas une pensée unique, péremptoire, figée. Ses opéras sont le reflet de la vie avec ses complexités et ses contradictions. Chaque mise en scène apporte un éclairage nouveau, souligne un aspect de l’œuvre, nous fait découvrir des détails qui nous avaient échappé. C’est souvent intéressant, parfois très réussi et passionnant comme le Lohengrin de Hans Neuenfels, le Ring de Tankred Dorst, le Tannhäuser de Robert Carsen à Bastille. Ce qui gâche complètement quelques mises en scène, c’est la recherche de provocations gratuites et souvent ringardes, la destruction de l’œuvre par l’inversion des valeurs, les modes que suivent ou copient les metteurs en scène en mal d’imagination — on a eu les bottes, les échelles, les déchets et ordures, la laideur des décors comme un must, les bidets et WC, etc.
Opéra filmé
Il a eu des tentatives réussies d’opéra mis en scène pour le cinéma comme le Don Giovanni de Losey ou la Traviata de Zeffirelli mais aujourd’hui, les productions filmées sont plates, toutes les voix sont égalisées, l’abus des gros plans fait perdre le sens de la mise en scène. Ça peut améliorer les recettes des maisons d’opéra… ça peut peut-être attirer de nouveaux spectateurs dans les salles d’opéra…
Prima la Musica, prima le Parole ? Pas l’un sans l’autre !
Bien sûr, le chanteur doit chanter toutes les notes, bien sûr, il doit avoir la voix bien placée et la puissance suffisante pour ne pas avoir à crier, et encore bien d’autres qualités mais ce qui fait la différence, c’est la présence sur scène, la diction, l’intonation juste pour chaque phrase, l’incarnation du personnage et l’attention à ce que chante son partenaire — l’opéra est un dialogue. Hans Hotter était Wotan ; sous la baguette de Furtwängler, Kirsten Flagstad était Isolde. Aujourd’hui, Nina Stemme incarne dans la dernière production de Robert Carsen à l’Opéra de Paris une Elizabeth convaincante et de la plus grande classe. Catherine Foster, encore trop peu connue et qui devrait être invitée à Bayreuth, a réussi la meilleure Brünnhilde de ces vingt dernières années dans le Ring de Carsen repris à Shanghai l’an dernier. Un excellent chanteur comme Jonas Kaufmann peut ne pas être à sa place, c’était le cas dans le Lohengrin de 2010. En revanche, la voix claire et sonore de Klaus Florian Vogt était en 2011 une réussite parfaite.